jeudi 6 décembre 2018

Une chambre révélatrice

Le film Rebecca d'Alfred Hitchcock est un thriller et un drame sorti en 1940. Il est adapté du roman éponyme de Daphné du Maurier qui a été publié en 1938. Il raconte l'histoire d'une jeune femme qui rencontre un riche veuf. Ils vont rapidement se marier et s'installer dans la demeure de celui-ci où la présence de feue Rebecca habite les lieux. Dans cette séquence, la nouvelle Madame de Winter entre dans la chambre de Rebecca. La gouvernante, Mme Danvers, la surprend dans la pièce et la lui fait visiter. Cette scène est étrange et véhicule un sentiment d'oppression.

Cette scène est en effet, très riche en révélations sur le personnage qu'est Mme Danvers. Dès son apparition, la gouvernante revêt un aspect fantomatique comme si elle ne vivait que pour veiller sur la chambre de Rebecca. Cet aspect est mis en avant par le fait qu'elle n'émet aucun son en marchant, Mme de Winter ne l'entend pas arriver, le spectateur non plus. Mme Danvers est donc inquiétante dès le début de la scène. Le plan large où elle apparaît avec sa robe noire derrière le fin rideau blanc qui sépare la chambre renforce cet aspect fantomatique, sa silhouette devient celle d'un spectre. Durant toute la scène elle reste froide comme le montrent les jeux de lumières qui viennent du bas et accentuent son teint pâle. Son visage reste sans expression hormis quand elle parle de Rebecca, notamment quand elle présente ses vêtements à Mme de  Winter. Son impassibilité est montrée par des plans resserrés sur son visage, où l'on peut voir que son regard reste toujours le même, ce qui insiste une nouvelle fois sur son aspect inquiétant. 

  La dévotion que semble porter Mme Danvers à Rebecca est sans limite. La chambre est montrée comme un sanctuaire dédié à la défunte Mme de Winter. Les très grandes fenêtres et les hauts plafonds de la pièce visibles dans de nombreux plans donnent un aspect de cathédrale à la chambre. La coiffeuse où la gouvernante a laissé toutes les affaires en place devient alors un autel en l'honneur de Rebecca. La très grande mémoire de Mme Danvers et l'importance qu'elle accorde à chaque habitude de son ancienne maîtresse sont effarantes et révèlent qu'elle y était très attachée. Mais cette relation devient inquiétante au moment où elle ouvre la penderie. Tous les vêtements y sont conservés, elle sort un manteau en fourrure pour le présenter à Mme de Winter. S'ensuit un gros plan où elle se caresse la joue avec la manche, puis caresse celle de son interlocutrice. Cette dimension malsaine de leur relation est soulignée au moment où elle déplie la nuisette et l'admire comme si elle voyait encore Rebecca la porter.

Cette fascination pour l'ancienne Mme de Winter la pousse à la comparer avec la nouvelle. En effet, elle lui fait revivre ce que Rebecca faisait, notamment au moment où elle la fait s'asseoir et lui montre comment elle coiffait son ancienne maîtresse. Elle lui fait visiter les moindres recoins de la pièce, lui montre et lui explique chaque détail. De plus elle la pousse à toucher les vêtements, comme avec la manche du manteau ou avec la nuisette. Elle compare également la relation de la défunte avec M. de Winter à celle qu'il a avec sa nouvelle femme, notamment quand elle dit qu'il ne lui offrait que des choses très précieuses. Elle dresse ainsi un portrait extrêmement flatteur de Rebecca, la présente comme une femme très aimée et très aimante envers son mari. Une pression sur la nouvelle Mme de Winter se fait alors ressentir, elle est oppressée et quitte la pièce en pleurant. Mais avant de partir elle est retenue par Mme Danvers qui dit toujours entendre Rebecca, renforçant ainsi la pression qu'elle met sur elle.

Ainsi dans cet extrait Mme Danvers est présentée comme une personne très inquiétante, totalement dévouée à son ancienne maîtresse. Cette dévotion est presque malsaine à certains moments et se répercute sur la nouvelle Mme de Winter, qui est dévalorisée et subit une énorme pression quand aux nombreuses différences présentes entre elle et la défunte.

Hugo Roger & Margot Romero

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