mardi 30 avril 2019

Il n'a pas survécu à l'agonie du monde




"Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j'éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m'a procuré, ainsi qu'à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j'ai appris à l'aimer davantage et nulle part ailleurs je n'aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l'Europe, s'est détruite elle-même.

Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d'errance. Aussi, je pense qu'il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde.
Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l'aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux."


Stefan Zweig, Lettre d'adieux.



Stefan Zweig, né le 28 novembre 1881 en Autriche-Hongrie, est d'origine juive. Ce grand écrivain s'est suicidé le 22 février 1942 au Brésil. Il est auteur de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, mais il est aussi journaliste et biographe. Stefan Sweig a été envoyé sur le front polonais pour récolter des archives, il a aussi vécu le début de la deuxième Guerre Mondiale. Malgré les guerres, il s’est toujours voulu pacifiste et a fui toutes sortes de conflits. Issu d'une famille bourgeoise il a étudié les lettres. Ensuite plus âgé, il a vécu grâce à son talent d'écrivain, même pendant la période de grande crise économique et sociale de «l'après guerre».Il est souvent comparé à Érasme en qui il voit son modèle humaniste.

Il a assisté à la montée du nazisme pendant les années 30, tout comme le montre le film The Grand Budapest Hôtel, où Wes Anderson rend un hommage à Stefan Zweig tout d'abord grâce au personnage de l'écrivain qui joue Stefan Zweig, mais aussi au personnage de Gustave où l'on retrouve des aspects de Zweig.

Le 22 février 1942 l'écrivain décide de mettre fin à ses jours pour plusieurs raisons qui lui firent détester la vie. Premièrement, Stefan Zweig était un homme attaché aux valeurs européennes (langues, cultures, arts, traditions…). Pour lui l'Europe était le summum du raffinement et de la civilisation. Mais quand l'écrivain s'aperçut de la cruauté du nazisme et de sa montée en Allemagne et en Autriche, patries tant aimées, Stefan Zweig fut extrêmement touché et anéanti. C'est ainsi qu'il décida de fuir pour partir en Amérique. Sur le sol des États-Unis il fut rejeté à cause de sa nationalité allemande, ce qu'il le poussa à se réfugier au Brésil mais aussi à se renfermer sur lui même une fois de plus.

Dans ce pays où il a trouvé asile, il cherche la paix intérieure, mais quand il voit l'entrée de l'Amérique dans la guerre, il perd espoir de connaître un monde en paix et s'enfonce dans une dépression sans fin qui avait débuté lorsqu'il avait quitté l'Europe. Malheureusement, sa femme Lotte souffre d'une maladie, l’asthme, qui l'affaiblit au point de ne plus pouvoir voyager, ils ne peuvent plus s'exiler dans un autre pays.

Stefan Zweig hanté par la vieillesse et l'agonie du monde, décide avec sa femme de mettre fin à leurs jours en s’empoisonnant au véronal le 22 février 1942.



«On peut tout fuir, sauf sa conscience», Stefan Zweig.





Elona Cherquitte et Elane Boutier

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire