vendredi 20 octobre 2017

La guerre de Tardi


ANALYSE D'UNE PLANCHE DE BANDE DESSINÉE :
J. TARDI, C'était la Guerre des Tranchées
( 1993 – première publication )

Sortie en 1993, C'était la Guerre des Tranchées  de Jacques TARDI est une bande dessinée qu'il dédie en premier lieu à son grand-père. Elle met en scène des soldats fictifs mais néanmoins inspirés de visages réels, lors de cette fameuse ''Guerre des Tranchées'' ( 1914-1918 ). Les vingt premières pages ont été publiées en album, en 1983, sous le titre :  Le trou d'obus  ( elles ont donc en quelque sorte servi de prépublication pour l'album de 1993 ). L'album entier est en noir et blanc : « Le dessin en noir et blanc accentue la noirceur du propos, les nuances de gris donnent à cet enfer un aspect monotone et sans issue. » (www.bulledair.com). Nous avons choisi de traiter, dans notre analyse, la planche extraite de la page 46...

I/ Général.

Cette planche est plastiquement très intéressante par ses multiples effets cinématographiques.
Nous retrouvons un changement de focalisation à la mort du premier protagoniste dans la vignette centrale, qui est, par ailleurs caractérisée par une impression de 'slow-motion', c'est-à-dire un ralentissement de la séquence en vidéographie.
L'utilisation de l'échelle de gris accentue la violence et la noirceur de la scène. Le trait est gras et le contraste, relativement marqué.













II / Première Vignette.

Au premier plan, nous pouvons apercevoir un soldat déjà blessé à la tête, essayant de se protéger d'un projectile de balle fonçant droit sur lui. Le soldat ouvre la bouche et semble désespéré.

A l'arrière plan, nous retrouvons trois soldats, dont deux mourants. De là, un effet de chronologie se remarque, en effet, le premier soldat, difficile à apercevoir, avance vers les lignes ennemies, le second semble s'être fait tirer dessus, tandis que le dernier, plus avancé, tombe pour atterrir face contre terre. Notons cependant que les premier et dernier soldats semblent appartenir au décor car Tardi a choisi de les traiter de la même façon. Seul le dernier semble se détacher davantage.



















Vignette extraite de « C’était la Guerre des Tranchées » de Jacques TARDI ( 1993)

Plan rapproché

III/ Seconde Vignette.

Gros plans sur le protagoniste en train de se faire tuer, du sang giclant de sa tête. Nous trouvons ici l'effet de slow-motion décrit précédemment ou un arrêt sur image.
Son visage exprime très clairement le désespoir qui témoigne de sa déception de ne pas avoir pu tenir sa promesse de revenir auprès de sa famille. Il semble exprimer un « pourquoi ? »
La violence de la scène est mise en avant par le contraste général ,comme dans les 2 autres vignettes.

Vignette extraite de « C’était la Guerre des Tranchées » de Jacques TARDI ( 1993)

Déshumanisation du soldat par une posture qui est tout sauf naturelle et un visage déformé.


IV/ Troisième et dernière vignette.

a) Image.

Vignette extraite de « C'était la Guerre des Tranchées » de Jacques TARDI (1993)

Nous retrouvons l'aspect de la guerre comme tuerie avec quatre nouveaux soldats avançant dans la même direction que le premier, qui est mort.
Le fantassin du premier plan semble se protéger. Plusieurs interprétations sont possibles : il veut se protéger des giclures de sang de son camarade ou d'un projectile, ou tout ce bruit et cette agitation le terrorisent, veut-il s'isoler ?
Le lecteur se retrouve irrésistiblement confronté à la question  « Va-t'il subir le même sort ? », surtout que les trois autres compères avancent mais semblent terrorisés et se cramponnent à leurs armes.

b) Texte.








Détail extrait d'une vignette extraite de « C'était la Guerre des Tranchées » de Jacques TARDI ( 1993)

→ au lieu d'un texte narratif en encadré, Tardi a préféré ajouter une citation du Général REBILLOT, un personnage historique. Elle dit explicitement que malgré leur tristesse, les familles des soldats dont le sang coule sont heureuses que ce soit pour la patrie. Cette citation ''héroïse'' donc le soldat par un éloge indirect.

V/ Analyse plastique générale et conclusion.

Nous allons présenter cette analyse ponctuellement.
  • 3 vignettes du même format qui peuvent prouver la banalité, la normalité de la peur et de la mort omniprésentes durant la guerre.
  • L’échelle de gris, le sang omniprésent et le fort contraste accentuent la violence de cette scène funeste.
  • Les soldats, tapis dans l'ombre, sont à peine visibles et se fondent dans le décor chaotique de barbelés, de terre délabrée, et d'arbres morts.
  • Par son traitement séquentiel, la planche, exempte de toute bulle, fait penser à un story-board cinématographique.
  • La scène se déroule très rapidement en seulement trois événements :
    - En premier lieu, un premier soldat avance vers le champ de bataille.
    - Puis, ce dernier est exécuté par une balle reçue en pleine tête.
    - Pour finir, quatre autres arrivent à sa suite pour se diriger vers cette boucherie humaine infernale : « Vont-ils subir le même sort ? »
  • Le paysage dans lequel ils évoluent peut faire penser aux enfers : terre désolée, barbelés en abondance, troncs d'arbres mort, cadavres...
Ainsi, l'image pathétique et réaliste casse l'aspect héroïsant de la citation : le soldat n'est plus un héros de la patrie mais une simple victime de la boucherie humaine qu'est la guerre.


Louise NUNES et Léa DEBOUYS   

1 commentaire:

  1. Excellente analyse, précise et lumineuse, de ces superbes vignettes. Bravo !

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