lundi 24 novembre 2014

LA BELLE ET LA BÊTE N’ONT PAS PRIS UNE RIDE

Maquette de l’affiche de La Belle et la Bête – Jean-Denis Malclès, 1945 © ADAGP, Paris 2013, exposition Jean Cocteau et le cinématographe, La cinémathèque française

La Tribune des lycéens
13 novembre 2014


CINÉZOOM


70 ans après sa sortie en 1946 La Belle et la Bête, le chef-d’oeuvre de Jean Cocteau, nous fascine toujours autant. La réécriture cinématographique du conte de Mme de Beaumont plonge le spectateur dans un rêve éveillé, où l’irréel et le réel se confondent. Servi par les subtils éclairages d’Henri Alekan, le film questionne les apparences et la monstruosité et fait dialoguer l’innocence et le désir.

La Belle et la Bête présente une dimension onirique qui transcende les époques et les styles. Les trucages malicieux utilisés par Cocteau, que ce soient les bras-chandeliers qui bougent tout seuls ou encore les portes qui s’ouvrent d’elles-mêmes, nous transportent dans un monde irréel où le temps ne semble pas s’écouler. Jean Marais et Josette Day nous emmènent avec eux dans un univers où la magie, le rêve et la sensibilité prédominent, dans un univers qui année après année ne vieillit pas.

Les effets de lumière manipulés de façon prodigieuse par Henri Alekan sont d’une incroyable magnificence. Les acteurs et les décors sont sublimés par ses clairs-obscurs, il suffit de voir la beauté du visage de la Belle. Mais ces jeux de lumière n’ont pas qu’une valeur esthétique. Ils sont mis au service du film et font partie de son écriture même. Ils symbolisent la différence entre la Belle et la Bête. Tout ce qui concerne la Bête, que ce soit l’intérieur du château ou la Bête elle-même, baigne dans des teintes sombres, alors que Belle est toujours accompagnée d’une lumière blanche, presque immaculée. Ces jeux de lumière caractérisent donc l’opposition entre un monde irréel et réel, entre le désir et la pureté.

Derrière son image de conte pour enfants, le film de Cocteau est une réflexion sur l’image du monstre. Il s’interroge sur la nature de la monstruosité. La monstruosité est-elle forcément physique ou peut elle être plus subtile ? Malgré sa beauté apparente, Avenant cache en lui un être violent, arrogant, égoïste, prêt à brusquer Belle pour assouvir ses désirs. Ne serait-ce pas lui, le monstre ? Car derrière sa laideur, la Bête est un homme prévenant, gentil et qui, même s’il brûle de passion pour Belle, ne franchira jamais la ligne.

Le film étant sorti à l’époque de la découverte des camps de concentration et du procès de Nuremberg, on peut en sentir l’influence.  Cocteau a été marqué par la monstruosité de l’époque et il réfléchit à la vraie nature du monstre. Même si le film date de1946, la question des apparences et du monstre reste un sujet d’actualité.

Jean Cocteau a réalisé un film rempli de poésie, de beauté, de magie, et qui si vous vous laissez porter vous charmera  et vous entraînera dans un autre monde le temps d’une heure et demie.

PLUME

(alias Clara Meyer, 2nde 2)

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