vendredi 18 mars 2016

Tati et Ionesco, les maîtres du burlesque !

Les élèves de 1L2 et TL2 se sont rendus le 17 mars à la Comète pour aller voir Les vacances de Monsieur Hulot, un film de Jacques Tati ! 
 
Un film de 1953 (mais réédité en 1978) qui … dépayse ! En effet celui-ci est éloigné du type de films qui sortent dans nos salles depuis quelques années. Si l'on a pour habitude de voir des images qui défilent vite, en couleur, avec des dialogues vivants, de l'action et des effets spéciaux à couper le souffle, c'est vers un paysage de carte postale en noir et blanc et plus tranquille que ce film nous dirige...ou presque ! C'est sur la plage de Saint-Marc-sur-Mer que l'histoire prend place, un décor de vacances : la mer , les enfants qui jouent, les vieilles cabines blanches rayées de rouge, des vacanciers paisibles et… Monsieur Hulot, élément perturbateur du lot ! C'est une comédie burlesque qui mise principalement sur la dégaine du personnage, ses actions et surtout ses gaffes … par exemple le moment où il veut faire fuir les chiens et déclenche de nombreux feux d'artifice qui réveillent les vacanciers tour à tour, qui allument leurs lumières à chaque fois dans le même ordre ! Pour accentuer le burlesque et l'absurde du film Tati use du comique de répétition, que ce soit pour la musique qui est la même chaque fois qu'elle revient, le bruit de la porte du restaurant qui s'ouvre et se ferme, le glacier qui remet sa «pâte», ou le couple de personnes âgées qui se promène jusqu'au soir. Monsieur Hulot va à l'encontre d'une société tranquille qui garde (presque) les mêmes habitudes : à la ville comme à la plage il n'y a pas de folie qui tienne! Ainsi les vacanciers présents nagent, bronzent et jouent aux cartes dans un ton «robotique», quand la cloche sonne pour le repas tout le monde se rue dans l'hôtel, quand c'est l'après-midi c'est l'heure de la baignade, personne ne bronche, tout le monde suit ! Et quand Tati utilise le dialogue, celui-ci est tout aussi étrange et loufoque que la gestuelle .

C'est pourquoi en regardant ce film on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec Eugène Ionesco, écrivain et dramaturge de la même époque, de deux ans son cadet. Si Ionesco est passé maître dans l'art de l'absurde à la scène, Tati l'est à l'écran ! Tous les deux parodient la société et derrière cette parodie comique se cache une partie de drame. Par exemple le mécanisme des gens dans Les vacances de Monsieur Hulot peut être comparé au mécanisme à l'oeuvre dans Rhinocéros, pièce de théâtre d'Ionesco, dans laquelle les personnages qui se transforment tour à tour en rhinocéros et suivent le mouvement représentent en réalité la critique du totalitarisme. On peut aussi penser à la pièce La Cantatrice Chauve, où les Smith, famille typique anglaise, mangent la même chose tous les soirs, parlent de choses futiles, d'un Bobby Watson … enfin de plusieurs Bobby Watson, et des nouvelles du journal : c'est un texte décousu, qui ne fait pas tellement de sens. Il en est de même pour Tati sauf que celui-ci insiste encore une fois sur les actions du personnage qui n'ont parfois aucun sens ! Comme le moment où Monsieur Hulot donne un coup de pied à un homme et s'enfuit en courant, ou bien quand il s'installe dans sa petite barque et se met à peindre une chaise .

Enfin que ce soit chez Ionesco ou Tati, les gags, l'allure de certains personnages, l'enchaînement peu logique et le non-sens des gestes ou du dialogue, notamment le fameux syllogisme qui compare Socrate à un chat dans Rhinocéros, l'indignation de Mr Smith quant à l'annonce de l'âge des personnes décédées et non celui des nouveaux-nés dans le journal, mais aussi Monsieur Hulot et sa voiture en piteux état, ou bien l'homme qui s'exprime dans un mélange d'anglais et de français (« But croyez-moi... ») font rire le public de l'époque et sourire le public actuel . En effet avec l'évolution de la société, le burlesque et l'absurde sont parfois jugés trop lourds et inadaptés à l'humour de nos jours.

Cependant comment résister à un film aussi bien pensé, rempli de petit détails amusants, et esthétiquement très joli ? Monsieur Hulot qui semble vouloir profiter à fond de ses vacances en chamboulant les habitudes peut en agacer certains ... mais comme dirait Ionesco :"Qui est le plus sage ? Celui qui accepte tout ou celui qui a décidé de ne rien accepter? La résignation est-elle une sagesse?"

Nina Logote 

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