mardi 30 avril 2019

Les studios de Babelsberg

Les studios de Babelsberg : un rôle majeur dans le cinéma depuis 1912
 


Avec The Grand Budapest Hotel, l'Américain Wes Anderson témoigne de sa fascination pour Stefan Zweig et la culture européenne, pour ce monde que l'écrivain lui-même appelait "le monde d'hier", disparu dans la tourmente de l'Histoire. En cohérence avec son projet, le cinéaste a choisi de tourner son film en différents endroits d'Europe, en particulier à Berlin, dans les fameux studios de Babelsberg.

Les studios de Babelsberg sont fondés en 1912 dans la banlieue sud-ouest de Berlin. Ils sont parmi les premiers studios de cinéma construits en Europe, ils contiennent près de 20 plateaux. Tout au long de l'histoire et des différents événements importants du XXème siècle les studios de Babelsberg ont connu bien des changements. Entre l'influence nazie et la surveillance du parti communiste, nous allons voir comment ces studios ont vécu cette époque marquante de l'histoire.

Der Tontentanz, est le premier film tourné dans les studios en 1912 par Urban Gad avec l'actrice danoise Asta Nielsen qui devient la première star du studios. Paul Wegener y tourne Le Golem en 1920 et Fritz Lang obtient dans la même année la construction d’un plateau de plus de 2200 m² pour le tournage de son film Metropolis.

En 1920, les studios de Babelsberg sont souvent considérés comme le rival européen d’Hollywood. En 1921 les studios appartiennent à l’UFA (Universum Film AG) qui rénove les studios à l’arrivée du cinéma parlant.

Durant les années 30, ils sont à la pointe de l’innovation de la technique cinématographique, du son et du montage. Des films prodigieux y sont tournés comme L’Ange bleu en 1930 par Josef von Sternberg ou encore parmi les grands succès français Gueule d’amour ou L’Étrange Monsieur Victor de Jean Gremillion.

À l’apogée du Troisième Reich, beaucoup d’artistes comme Billy Wilder ou Fritz Lang émigrent aux États-UnisGoebbels en prend donc personnellement la direction et fonde une école de réalisation, la Deutsche Filmakademie Babelsberg, dans le but de former des réalisateurs répondant à l'idéal national-socialiste. Tous les membres de l'industrie cinématographique doivent adhérer à un syndicat unique : la Chambre du film du Reich . Sous le Reich, plusieurs films de propagande sont réalisés, tels que Le Juif Suss de Veit Harlan, tristement célèbre pour sa propagande antisémite.

Parmi ces acteurs partis aux en Amérique, il y a Marlene Dietrich, l'actrice principale de L’Ange bleu, qui après avoir émigré aux États-Unis s'est engagée dans la lutte contre l'antisémitisme et plus particulièrement le nazisme en chantant avec par exemple « Lili Marleen » ou après son émigration en travaillant avec des réalisateurs en Amérique tels que von Sternberg.

Dans les studios de Babelsberg a également été tourné le film Le Cabinet du docteur Caligari, et parmi son équipe technique on peut retrouver Hermann Warm, Walter Reimann et Walter Rohrig, trois célèbres décorateurs allemands qui ont été des figures importantes du mouvement expressionniste. Ce filmprésente donc une qualité de décor quasi jamais vue pour l'époque.

Après 1945, les studios passent sous la surveillance communiste. La DEFA (Deutsche Film AG) remplace l'UFA. De nouveaux réalisateurs apparaissent : Wolfgang Staudte, Kurt Maetzig, Slatan Dudow. Le film antifasciste est alors un genre en vogue. Le plus connu est Les assassins sont parmi nous de Wolfgang Staudte.

Les studios deviennent étroitement surveillés par le parti communiste et la liberté de création n'est plus illimitée. En 1965, tous les films qui sont produits sont interdits par le parti. Cependant, les studios continuent à attirer des productions internationales : des reconstitutions historiques en costume ou des films pour enfants principalement. Certaines productions françaises y sont réalisées comme par exemple Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois avec Jean Gabin (1958).

Après la réunification allemande en 1990, les studios de Babelsberg connaissent une période difficile. L’État cesse de leur commander des films et ils ne parviennent pas à attirer des producteurs. Le nombre d'employés chute alors de 2400 jusqu'à 792 en 1992. Aujourd'hui, les studios de Babelsberg ont retrouvé leur activité et produisent de grands films internationaux tels que Le Pianiste de Roman Polanski (2002), Monuments Men de George Clooney (2009) ou encore Stalingrad de Jean-Jacques Annaud (2001).


Hugo Roger et Emeline Bellegueulle

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