Analyse de la séquence 20 :
La soirée sur le yacht et la danse cubaine (de 1h 41 45 s à 1h 24 42 s)
Certains l'aiment chaud, ou Some Like It Hot est une comédie américaine, réalisée par Billy Wilder et sortie en 1959. Ce film a connu un grand succès, grâce à son humour, mais aussi grâce à ses acteurs : Marilyn Monroe dans le rôle de Sugar Kane Kowalczyk, Tony Curtis qui joue Joe/Joséphine, ou encore Jack Lemmon, dit Jerry/Daphné. Ces acteurs sont très connus à l'époque, et même maintenant, ils restent appréciés, et considérés comme de grands acteurs américains. Ce film fut classé premier dans la liste des films américains les plus drôles du XXème siècle, par l'AFI (l'Américain Film Institute). Il fut réalisé pendant la période du code Hays, de 1934 à 1966, ce pourquoi le film fait beaucoup d'allusions décalées qui vont à l'encontre de ce code.
Cette comédie se déroule en 1929, à Chicago en pleine période de prohibition. Joe et Jerry, deux jeunes musiciens, sont témoins de meurtres entre des bandes rivales de la Mafia, mais heureusement, ils arrivent à s'enfuir à temps, même si les meurtriers ont réussi à voir leurs visages. Pour ne pas subir de représailles, les deux musiciens décident de se travestir pour entrer dans un orchestre composé de femmes, et partent en Floride, sous les faux noms de Joséphine et Daphné. Ils rencontrent ainsi la merveilleuse Sugar, chanteuse et joueuse de ukulélé. Joe tombe vite sous son charme, et se déguise tantôt en femme (l'amie de Sugar) et tantôt en homme riche (le séducteur de Sugar). Jerry lui reste constamment travesti en femme, et se fait séduire par Osgood, qui l'invite un soir sur son yacht. Pour que le plan de Joe (qui est de conquérir le cœur de Sugar) fonctionne, il demande à Jerry de ne pas aller au rendez-vous sur le yacht, et d'emmener danser ailleurs le propriétaire de ce dernier. De ce fait, Joe aura le yacht à lui tout seul, et pourra faire croire à Sugar qu'il est son propriétaire, pour passer une soirée romantique dans le peau d'un homme riche avec cette femme magnifique. Pendant ce temps, Jerry sera lui avec Osgood à un bal de danse cubaine pour danser le tango, la danse sensuelle par excellence.
Nous allons étudier une scène précise du film, la séquence 20, qui montre la soirée sur le yacht et la danse cubaine. Une bonne partie de cette séquence se passe sur le yacht avec Joe et Sugar qui parlent de leurs vies (la plupart des choses que raconte Joe sont fausses), et ensuite, il y a des transitions volets entre Jerry et Osgood qui dansent, et Sugar et Joe dans le salon du yacht.
La première partie de la scène qui se passe sur le yacht nous présente un Joe assez maladroit et stressé, mais Sugar ne semble pas s'en apercevoir, car elle est sûrement trop excitée à l'idée de passer sa soirée avec un jeune homme riche à lunettes (comme elle les aime). D'abord, la jeune femme pose des questions sur le bateau : «Où se trouve babord, où se trouve tribord ?» mais Joe qui lui ne sait pas grand chose lui répond en parlant de «proue et poupe» ce qui est évident, mais Sugar ne s'aperçoit pas qu'il n'y connaît strictement rien. De plus, on se rend clairement compte que Joe ne connaît pas le yacht, il se trompe d'endroit, il regarde partout pour essayer de voir où est installé le dîner, et c'est finalement Sugar qui le trouve. La jeune fille est impressionnée par la beauté de la pièce et par la taille du poisson accroché au mur. Elle demande à Joe qui semble s'y connaître, de quelle espèce est le poisson, il lui répond qu'il s'agit d'un hareng alors qu'il est évident qu'il s'agit d'un espadon. Ignorante, elle se demande comment c'est possible de faire entrer d'aussi gros poissons dans d'aussi petits bocaux en faisant un geste très ambigu avec ses mains. Ce geste en effet est comme un clin d'oeil qui va à l'encontre du Code Hays. Elle fait également d'autres allusions sexuelles comme «Je n'ai jamais été seule la nuit avec un homme au milieu de l'océan».
Après avoir bu une coupe de champagne, Joe attise sa pitié en lui parlant de ses problèmes de «frigidité» avec les femmes, suite à un accident avec l'une d'entre elles, ce qui déçoit Sugar, mais elle ne perd pas espoir et tente tout de même sa chance pour le séduire. Joe s'allonge sur le divan, elle tamise la lumière de la pièce, met de la musique romantique et le rejoint sur le divan, dans une position aguicheuse, pour le faire boire. Après un baiser langoureux, une veine est apparente sur le front de Joe, et sa jambe se lève, ce qui est une subtile allusion sexuelle. Il était impossible de montrer cela au cinéma dans les années 50.
Avec la transition volet, la scène change complètement d'ambiance, avec Daphné et Osgood qui dansent un tango un air de musique cubaine, une danse très sensuelle, mais avec un contraste entre l'émotion qui se dégage de leur visage et la rigidité de leur corps. Leur différence de taille est flagrante et donne un aspect comique à cette scène. En outre, ils ont l'air très concentré et se regardent à peine dans les yeux. Daphné reprend parfois ses réflexes d'homme en menant la danse, Osgood le lui fait donc remarquer.
Ensuite, une autre transition volet insiste sur le changement d'ambiance entre les deux scènes, d'une part pour la musique et l'ambiance, qui est très festive d'un côté et très romantique de l'autre, et d'autre part pour la rigidité de Daphné et d'Osgood et la sensualité de Joe et de Sugar. Joe et Sugar font beaucoup d'allusions sur le fait que Joe commence à être «stimulé». Puis trois autres transitions volets, basées sur le même principe, mettent en valeur l'opposition entre les scènes.
Enfin, nous arrivons à la dernière scène avec Daphné et Osgood dansant encore. On peut voir qu'ils y ont quand même pris plaisir étant donné que toutes les tables et les chaises sont rangées, ce sont les derniers sur la piste de danse. Nous avons encore un aspect comique lorsque Daphné fait basculer Osgood comme une femme.
Ainsi, un metteur en scène comme Billy Wilder a dû inventer des situations pour détourner le code Hays. Il utilise généralement le style comique, des sous-entendus, des ellipses pour permettre au spectateur de comprendre les situations que l'on ne peut pas montrer à l'écran, sans pourtant montrer les images concrètement. Cela instaure une forme de complicité avec le spectateur, ce qui rend son cinéma toujours actuel.
Emma-Lisa et Loïs