ANALYSE D'UNE PLANCHE DE
BANDE DESSINÉE :
J. TARDI, C'était la Guerre des Tranchées
( 1993 – première
publication )
Sortie en 1993, C'était la Guerre des Tranchées
de Jacques TARDI est une bande dessinée qu'il dédie
en premier lieu à son grand-père. Elle met en scène des soldats
fictifs mais néanmoins inspirés de visages réels, lors de cette
fameuse ''Guerre des Tranchées'' ( 1914-1918 ). Les vingt premières
pages ont été publiées en album, en 1983, sous le titre : Le trou d'obus
( elles ont donc en quelque sorte servi de prépublication pour
l'album de 1993 ). L'album entier est en noir et
blanc : « Le
dessin en noir et blanc accentue la noirceur du propos, les nuances
de gris donnent à cet enfer un aspect monotone et sans issue. »
(www.bulledair.com).
Nous avons choisi de traiter, dans notre analyse, la
planche extraite de la page 46...
I/ Général.
Cette
planche est plastiquement très intéressante par ses multiples
effets cinématographiques.
Nous
retrouvons un changement de focalisation à la mort du premier
protagoniste dans la vignette centrale, qui est, par ailleurs caractérisée
par une impression de 'slow-motion', c'est-à-dire un ralentissement de la
séquence en vidéographie.
L'utilisation
de l'échelle de gris accentue la violence et la
noirceur de la scène. Le trait est gras et le contraste,
relativement marqué.
II /
Première Vignette.
Au premier
plan, nous pouvons apercevoir un soldat déjà blessé à la tête,
essayant de se protéger d'un projectile de balle fonçant droit sur
lui. Le soldat ouvre la bouche et semble désespéré.
A l'arrière plan, nous retrouvons
trois soldats, dont deux mourants. De là, un effet de chronologie se
remarque, en effet, le premier soldat, difficile à apercevoir, avance vers les lignes ennemies, le second semble s'être fait tirer
dessus, tandis que le dernier, plus avancé, tombe pour atterrir
face contre terre. Notons cependant que les premier et dernier
soldats semblent appartenir au décor car Tardi a choisi de les
traiter de la même façon. Seul le dernier semble se détacher davantage.
Vignette
extraite de « C’était
la Guerre des Tranchées »
de Jacques TARDI ( 1993)
→
Plan rapproché
III/
Seconde Vignette.
Gros plans sur le
protagoniste en train de se faire tuer, du sang giclant de sa tête.
Nous trouvons ici l'effet de slow-motion décrit précédemment ou un
arrêt sur image.
Son visage
exprime très clairement le désespoir qui témoigne de sa déception
de ne pas avoir pu tenir sa promesse de revenir auprès de sa
famille. Il semble exprimer un « pourquoi ? »
La violence de la
scène est mise en avant par le contraste général ,comme dans les 2
autres vignettes.
Vignette
extraite de « C’était
la Guerre des Tranchées »
de Jacques TARDI ( 1993)
→
Déshumanisation du soldat par une posture qui est tout
sauf naturelle et un visage déformé.
IV/ Troisième et dernière vignette.
a) Image.
Vignette
extraite de « C'était
la Guerre des Tranchées »
de Jacques TARDI (1993)
Nous
retrouvons l'aspect de la guerre comme tuerie avec quatre nouveaux soldats
avançant dans la même direction que le premier, qui est mort.
Le fantassin du
premier plan semble se protéger. Plusieurs interprétations sont possibles : il veut se protéger des
giclures de sang de son camarade ou d'un projectile, ou tout ce bruit
et cette agitation le terrorisent, veut-il s'isoler ?
Le lecteur se
retrouve irrésistiblement confronté à la question « Va-t'il
subir le même sort ? », surtout que
les trois autres compères avancent mais semblent terrorisés et se
cramponnent à leurs armes.
b) Texte.
Détail
extrait d'une vignette
extraite de « C'était
la Guerre des Tranchées »
de Jacques TARDI ( 1993)
→ au lieu d'un
texte narratif en encadré, Tardi a préféré ajouter une citation
du Général REBILLOT, un personnage historique. Elle dit explicitement
que malgré leur tristesse, les familles des soldats dont le sang
coule sont heureuses que ce soit pour la patrie. Cette citation
''héroïse'' donc le soldat par un éloge indirect.
V/ Analyse
plastique générale et conclusion.
Nous
allons présenter cette analyse ponctuellement.
-
3 vignettes du même format qui peuvent prouver la banalité, la normalité de la peur et de la mort omniprésentes durant la guerre.
-
L’échelle de gris, le sang omniprésent et le fort contraste accentuent la violence de cette scène funeste.
-
Les soldats, tapis dans l'ombre, sont à peine visibles et se fondent dans le décor chaotique de barbelés, de terre délabrée, et d'arbres morts.
-
Par son traitement séquentiel, la planche, exempte de toute bulle, fait penser à un story-board cinématographique.
-
La scène se déroule très rapidement en seulement trois événements :- En premier lieu, un premier soldat avance vers le champ de bataille.- Puis, ce dernier est exécuté par une balle reçue en pleine tête.- Pour finir, quatre autres arrivent à sa suite pour se diriger vers cette boucherie humaine infernale : « Vont-ils subir le même sort ? »
-
Le paysage dans lequel ils évoluent peut faire penser aux enfers : terre désolée, barbelés en abondance, troncs d'arbres mort, cadavres...
→ Ainsi, l'image pathétique et réaliste casse l'aspect héroïsant de
la citation : le soldat n'est plus un héros de la patrie mais
une simple victime de la boucherie humaine qu'est la guerre.
Louise
NUNES et Léa DEBOUYS
Excellente analyse, précise et lumineuse, de ces superbes vignettes. Bravo !
RépondreSupprimer