mardi 13 décembre 2016

Critique du film "Cabaret" de Bob Fosse

L’histoire
 
Dans le Berlin des années 1930, l’Américaine Sally BOWLES (Liza Minnelli) travaille tous les soirs en tant que chanteuse de cabaret au Kit Kat Club. La jeune femme, toujours parée de ses longs faux cils et de ses ongles toujours bien vernis, légère, frivole et amorale, tombe amoureuse d’un jeune écrivain britannique bisexuel qui partage la même pension qu’elle. Ce jeune homme, Brian (Michael York) donne des cours d’anglais afin de pouvoir vivre. En particulier il donne des leçons à la riche Natalia Landauer, de confession juive, et lui fait rencontrer Fritz, un adorable chasseur de dot qui ne souhaite pas révéler ses origines, et dont elle tombe amoureuse. Sally et Brian tombent tous deux sous le charme d’un riche aristocrate allemand, Maximilian (Helmut Griem), qui décide de leurs offrir monts et merveilles avant qu’ils se séparent. Le bonheur et l’insouciance de tous ces jeunes gens sera vite rattrapé par l’ombre grandissante du nazisme et d’autres événements liés à l’Allemagne de l’époque.
L’histoire principale du film est commentée à chaque fois en parallèle par une scène de cabaret dirigée par le maître de cérémonie (Joel Grey).
Analyse et critique 
Cabaret est un film de Bob FOSSE réalisé en 1972, un film moderne pour plusieurs raisons. Tout d’abord ce film a de multiples sources d’inspiration. Il est l’adaptation de la comédie musicale Cabaret de John Kander et Fred Heep, qui fut un grand succès à New York en 1966 avec Jill Haworth (Sally Bowles), Joel Grey (le maître de cérémonie) et Lotte Lenya (Fraulein Schneider). Cette comédie musicale est elle-même adaptée du roman I am a Camera du dramaturge anglais John Van Drutten de 1951 et du roman Goodbye to Berlin de 1939 écrit par l’anglais Christopher Isherwood. Ce film peut aussi nous rappeler L’Ange bleu, un film de 1930, surtout que la posture de Liza Minnelli sur une chaise peut rappeler celle de Marlène Dietrich sur son tonneau. Si l'histoire du film Cabaret est différente de celle de L'Ange bleu, la montée du nazisme était déjà bien montrée dans le film de 1930, et encore plus grâce au recul lié au temps dans Cabaret.
De plus, c'est un film de l'après code Hays. Cabaret montre en effet plusieurs scènes qui auraient été censurées de 1934 à 1966, comme plusieurs scènes de sexe, et surtout à cause des thèmes qu'il traite. Ce film s'ancre dans le Berlin de l'entre deux guerre (1930), et montre le monde déjanté du cabaret et du travestissement ainsi que le libertinage. Les scènes de cabaret, toutes plus dérangeantes les unes que les autres, sont toutes acceptées avec grand succès par les spectateurs, tous issus des classes moyennes voire riches. Ces gens-là s’esclaffent devant les pitreries des acteurs, sans vraiment comprendre le message, aussi dur soit-il, caché derrière presque tous les numéros. Par exemple dans la scène ou deux jeunes femmes se battent dans la boue, au fur et à mesure du combat, la caméra montre en gros plan l’expression présente sur le visage de chaque spectateur en train de rire aux éclats. Cette réaction révèle une société aux émotions discordantes qui peut rire face aux scènes violentes, surtout qu’à la fin de ce combat, le maître de cérémonie, avec un grand sourire, se dessine avec de la boue une petite moustache sur le visage avant de faire le salut nazi, applaudi par un public toujours aussi rieur.
La montée du nazisme en Allemagne est montrée et évolue à plusieurs reprises : au début du film nous voyons un nazi se faire expulser du Kit Kat Club par le gérant, qui se fait par la suite tabasser à mort. Puis vient la scène de combat dans la boue. Ensuite lors d’une escale en voiture, Brian et Sally aperçoivent un cadavre sur le bas côté, et Maximilian leur confie qu’il n’aime pas particulièrement les nazis mais qu’au moins ils débarrassent l’Allemagne des communistes. Ici le jeune homme incarne la plupart des Allemands de 1930 : la haine des communistes étant plus forte qu’autre chose, la plupart des gens du peuple préfèrent encore voir les nazis au pouvoir plutôt qu’eux. Mais la scène la plus flagrante montrant la montée en puissance du parti hitlérien reste la scène du chant « Tomorrow belongs to me », entonné par un jeune « Aryen » sur la terrasse d’un restaurant, suivi de toute la foule au bout d’une minute, excepté un vieil homme qui décide de ne pas les suivre. C’est ici que nous voyons que les nazis ont gagné le cœur de presque tout le peuple notamment celui des jeunes Allemands alors que les opposants restent minoritaires. Nous pouvons aussi trouver l’influence nazie dans la scène de cabaret qui met en scène un homme amoureux d’une guenon. Le maître de cérémonie nous apprend a la fin que l’on peut comprendre l’amour qu’il ressent pour elle car « ça ne se voit pourtant pas qu’elle est juive ». Enfin, lors de la scène finale du film on peut apercevoir de nombreux soldats nazis parmi le public du cabaret. On comprend donc que c’est fini et qu’Hitler est passé au pouvoir.
En parallèle ce film traite aussi de deux autres sujets importants pour l’époque, à commencer par le droit des femmes. A une époque ou les femmes qui travaillent et vivant sans être mariées sont minoritaires, la protagoniste du film est une femme totalement libérée usant de tous les malices pour obtenir ce qu’elle veut. Elle est prête à tout pour devenir une grande actrice de cinéma, et n’hésite pas à se prostituer après de Maximilian qui en échange lui offre des voyages, un grand manteau de fourrure et l’invite dans les plus grands restaurants. Le film parle également de l’avortement qui est illégal à l’époque. Les femmes voulant se faire avorter payaient extrêmement cher des hommes ou des médecins qui le faisaient en général dans les pires conditions d’hygiène possibles. A partir de cette aventure avec le riche aristocrate, le film nous montre aussi un des sujets tabous de l’époque, l’homosexualité ou même la bisexualité. Un élément aussi reste important : le film se termine en nous laissant plusieurs questions en tête comme « de quel côté se place le maître de cérémonie ? »
Pour conclure, ce film nous a séduites par son ambiance festive et le plus souvent dérangeant, par les numéros de cabaret magnifiquement bien montés et par ses multiples sujets, tous très lourds mais traités avec grande légèreté, ce qui rend le tout totalement fluide et agréable.
Loïs, Emma et Doriane

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