L’histoire
Dans
le Berlin des années 1930, l’Américaine Sally BOWLES (Liza
Minnelli) travaille tous les soirs en tant que chanteuse de cabaret
au Kit Kat Club. La jeune femme, toujours parée de ses longs faux
cils et de ses ongles toujours bien vernis, légère, frivole et
amorale, tombe amoureuse d’un jeune écrivain britannique bisexuel
qui partage la même pension qu’elle. Ce jeune homme, Brian
(Michael York) donne des cours d’anglais afin de pouvoir vivre. En
particulier il donne des leçons à la riche Natalia Landauer, de
confession juive, et lui fait rencontrer Fritz, un adorable chasseur
de dot qui ne souhaite pas révéler ses origines, et dont elle tombe
amoureuse. Sally et Brian tombent tous deux sous le charme d’un
riche aristocrate allemand, Maximilian (Helmut Griem), qui décide de
leurs offrir monts et merveilles avant qu’ils se séparent. Le
bonheur et l’insouciance de tous ces jeunes gens sera vite rattrapé
par l’ombre grandissante du nazisme et d’autres événements liés
à l’Allemagne de l’époque.
L’histoire
principale du film est commentée à chaque fois en parallèle par
une scène de cabaret dirigée par le maître de cérémonie (Joel
Grey).
Analyse
et critique
Cabaret
est un film de Bob FOSSE réalisé en 1972, un film moderne pour
plusieurs raisons. Tout d’abord ce film a
de multiples sources d’inspiration. Il est l’adaptation de
la comédie musicale Cabaret
de
John Kander et Fred Heep, qui fut un grand succès à New York en
1966 avec Jill Haworth (Sally Bowles), Joel Grey (le maître de
cérémonie) et Lotte Lenya (Fraulein Schneider). Cette comédie
musicale est elle-même adaptée du roman I
am
a Camera du
dramaturge anglais John Van Drutten de 1951 et du roman Goodbye
to
Berlin de
1939 écrit par l’anglais Christopher Isherwood. Ce film peut
aussi nous rappeler L’Ange
bleu,
un film de 1930, surtout que la posture de Liza Minnelli sur une
chaise peut rappeler celle de Marlène Dietrich sur son tonneau. Si
l'histoire du film Cabaret est
différente de celle de L'Ange
bleu,
la montée du nazisme était déjà bien montrée dans le film de
1930, et encore plus grâce au recul lié au temps dans Cabaret.
De
plus, c'est un film de l'après code Hays. Cabaret
montre en effet plusieurs scènes qui auraient été censurées de
1934 à 1966, comme plusieurs scènes de sexe, et surtout à cause
des thèmes qu'il traite. Ce film s'ancre dans le Berlin de l'entre
deux guerre (1930), et montre le monde déjanté du cabaret et du
travestissement ainsi que le libertinage. Les scènes de cabaret,
toutes plus dérangeantes les unes que les autres, sont toutes
acceptées avec grand succès par les spectateurs, tous issus des
classes moyennes voire riches. Ces gens-là s’esclaffent devant les
pitreries des acteurs, sans vraiment comprendre le message, aussi dur
soit-il, caché derrière presque tous les numéros. Par exemple dans
la scène ou deux jeunes femmes se battent dans la boue, au fur et à
mesure du combat, la caméra montre en gros plan l’expression
présente sur le visage de chaque spectateur en train de rire aux
éclats. Cette réaction révèle une société aux émotions
discordantes qui peut rire face aux scènes violentes, surtout qu’à
la fin de ce combat, le maître de cérémonie, avec un grand
sourire, se dessine avec de la boue une petite moustache sur le
visage avant de faire le salut nazi, applaudi par un public toujours
aussi rieur.
La
montée du nazisme en Allemagne est montrée et évolue à plusieurs
reprises : au début du film nous voyons un nazi se faire
expulser du Kit Kat Club par le gérant, qui se fait par la suite
tabasser à mort. Puis vient la scène de combat dans la boue.
Ensuite lors d’une escale en voiture, Brian et Sally aperçoivent
un cadavre sur le bas côté, et Maximilian leur confie qu’il
n’aime pas particulièrement les nazis mais qu’au moins ils
débarrassent l’Allemagne des communistes. Ici le jeune homme
incarne la plupart des Allemands de 1930 : la haine des
communistes étant plus forte qu’autre chose, la plupart des gens
du peuple préfèrent encore voir les nazis au pouvoir plutôt
qu’eux. Mais la scène la plus flagrante montrant la montée en
puissance du parti hitlérien reste la scène du chant « Tomorrow
belongs to me », entonné par un jeune « Aryen »
sur la terrasse d’un restaurant, suivi de toute la foule au bout
d’une minute, excepté un vieil homme qui décide de ne pas les
suivre. C’est ici que nous voyons que les nazis ont gagné le cœur
de presque tout le peuple notamment celui des jeunes Allemands alors
que les opposants restent minoritaires. Nous pouvons aussi trouver
l’influence nazie dans la scène de cabaret qui met en scène un
homme amoureux d’une guenon. Le maître de cérémonie nous apprend
a la fin que l’on peut comprendre l’amour qu’il ressent pour
elle car « ça ne se voit pourtant pas qu’elle est juive ».
Enfin, lors de la scène finale du film on peut apercevoir de
nombreux soldats nazis parmi le public du cabaret. On comprend donc
que c’est fini et qu’Hitler est passé au pouvoir.
En
parallèle ce film traite aussi de deux autres sujets importants pour
l’époque, à commencer par le droit des femmes. A une époque ou
les femmes qui travaillent et vivant sans être mariées sont
minoritaires, la protagoniste du film est une femme totalement
libérée usant de tous les malices pour obtenir ce qu’elle veut.
Elle est prête à tout pour devenir une grande actrice de cinéma,
et n’hésite pas à se prostituer après de Maximilian qui en
échange lui offre des voyages, un grand manteau de fourrure et
l’invite dans les plus grands restaurants. Le film parle également
de l’avortement qui est illégal à l’époque. Les femmes voulant
se faire avorter payaient extrêmement cher des hommes ou des
médecins qui le faisaient en général dans les pires conditions
d’hygiène possibles. A partir de cette aventure avec le riche
aristocrate, le film nous montre aussi un des sujets tabous de
l’époque, l’homosexualité ou même la bisexualité. Un élément
aussi reste important : le film se termine en nous laissant
plusieurs questions en tête comme « de quel côté se place le
maître de cérémonie ? »
Pour
conclure, ce film nous a séduites par son ambiance festive et le
plus souvent dérangeant, par les numéros de cabaret magnifiquement
bien montés et par ses multiples sujets, tous très lourds mais
traités avec grande légèreté, ce qui rend le tout totalement
fluide et agréable.
Loïs,
Emma et Doriane