Notre expérience de jurées lycéennes à War On Screen
Comment résumer
cette semaine au coeur du festival ? Beaucoup de films, de belles
rencontres, de nourriture (très bonne), de rire et surtout beaucoup de larmes.
Cette expérience a été extrêmement
intense et nous n’en sortons pas indemnes.
Nous ? Deux élèves de la terminale L2
sélectionnées dans le jury lycéen à War On Screen, festival international de
films de guerre.
Notre aventure a commencé à la mi-juin, quand nous avons reçu un mail nous confirmant notre participation au
festival en tant que jury des courts-métrages. Nous avions auparavant rempli un formulaire
sur nos goûts et intérêts cinématographiques et espérions être sélectionnées
parmi la soixantaine de candidatures.
C’est ainsi que
début septembre nous avons été réunies avec les dix autres lycéens pour un
après-midi de formation avec Olivier Broche, Joanna et Sarah, sa remplaçante,
qui nous a encadrés tout au long du festival. Nous avons visionné quelques
courts-métrages et parlé de ce qui nous intéressait dans le cinéma.
Mardi 1er
octobre
C’est à 18h que
tout commence ! Nous avons rendez-vous à l’accueil de la Comète pour la
cérémonie d’ouverture. Nous assistons, pendant une « petite » heure
et demie, au discours du directeur, Philippe Bachman, avant d’aller manger et
d’apprécier les desserts de la cantine !
Cela nous permet de sympathiser avec quelques autres membres du jury. Après le
repas nous avons vu le film Mr Jones d’Agnieszka
Holland, qui incarne très bien l’esprit du festival en présentant la société
soviétique de l’entre-deux guerres. Nous retenons une bonne leçon de ce premier
visionnage, manger rapidement afin
de ne pas se retrouver tout au fond de la salle.
Mercredi 2 octobre
Rendez-vous à 10h15 à la
Comète pour Camille de Boris Lojkine,
un film sur la journaliste Camille Lepage, tuée en Centrafrique au cours d’un
reportage. Ce film fait partie de ceux qui nous ont le moins plu. En effet
l’histoire est intéressante, mais le personnage principal, malgré son rôle
central, semble moins profond que les autres. Après avoir mangé (toujours très
bien), nous allons voir Monos d’Alejandro
Landes, fiction colombienne sur des enfants soldats. Ce film nous a beaucoup
surpris car le réalisateur ne donne aucune information sur l’histoire et les
personnages. Il veut que le spectateur soit
immergé dans la nature colombienne, et se concentre sur les sensations
créées par le film.
Nous enchaînons
avec Midnight Traveler, un
documentaire de Hassan Fazili, qui retrace sa fuite avec sa famille,
d’Afghanistan en Europe. Il ne filme qu’avec trois téléphones portables, nous
faisant vivre le quotidien d’une famille de réfugiés. C’est donc un film très
touchant mais pas misérabiliste. Nous finissons cette journée, en larmes, avec le documentaire Pour Sama de Waad Al-Kateab et Edward
Watts. Ce film retrace le quotidien de la réalisatrice, dans un hôpital dirigé
par son mari, qui montre Alep sous les bombardements incessants. Cela donne
donc des scènes bouleversantes,
d’autant plus qu’elle s’adresse à sa fille, née pendant la guerre, tout au long
du film en lui expliquant ses choix. Nos émotions ont été renforcées par la
venue de Waad Al-Kateab sur scène à la fin de la projection. Elle a insisté sur
le fait de ne pas se focaliser sur les horreurs passées, mais de réagir et de s’occuper
de celles toujours en cours. Cette journée a donc été très éprouvante et, mine de rien, regarder des films toute la journée, ce
n’est pas aussi reposant que ce que
l’on croyait !
Jeudi 3 octobre
Pour nous remettre de nos émotions de
la veille nous commençons la journée avec Les
lois de l’hospitalité de Buster Keaton, un film muet en noir et blanc des
années 20. Ce film dépeint de manière comique les conflits entre deux familles
américaines dont les enfants tombent amoureux, « à la Roméo et
Juliette ». Vers 13h, après un moment de temps libre et un repas (toujours
très très bon), nous essayons l’activité de réalité virtuelle.
Nous avons
ensuite rendez-vous à 14h30 avec Sarah notre tutrice, Olivier Broche et le
programmateur de War On Screen, Hervé Bougon. Ce temps nous permet de discuter
avec eux autour des films que nous avons vus et de parfois changer notre regard
sur ceux-ci. Après cet échange très enrichissant
nous sommes allés voir Notre Dame du Nil
d’Atiq Rahimi, qui était d’ailleurs présent, ce qui nous a permis
d’échanger avec lui à la fin de la projection. C’est l’adaptation d’un roman de
Scholastique Mukasonga. Ce film nous a beaucoup touchées. Il aborde la montée
de la haine contre les Tutsis au Rwanda, dans un internat de jeunes filles. La
violence apparaît très soudainement dans le film, contrastant avec le début
très insouciant, les plans sont magnifiques !
Après une courte
pause nous avons vu le film de Bertrand Tavernier La vie et rien d’autre, qui évoque la difficulté de retrouver les
soldats disparus après la Première Guerre Mondiale. Le film était suivi d’une
masterclass avec le réalisateur, qui a pu longuement
nous parler de sa filmographie. Nous rentrons enfin chez nous à 23h après ces
rencontres très intéressantes.
Vendredi 4 octobre
Cette journée
commence avec la projection d’un très joli film d’animation, Wardi de Mats Grorud. Il raconte
l’histoire d’une petite fille réfugiée palestinienne en Israël qui découvre son
histoire familiale et les raisons qui ont conduit sa famille à fuir la
Palestine. Après quelques larmes
nous rejoignons la présidente du jury Saïda Kasmi pour une première rencontre.
Nous nous présentons et échangeons rapidement avec elle sur nos motivations et
nos attentes par rapport aux courts-métrages. Nous visionnons les cinq premiers
courts métrages en début d’après-midi et avons un premier temps d’échange
autour de ceux-ci et de ce que nous en avons pensé.
Bertrand Tavernier était présent dans la
salle où nous étions, il nous a donné quelques conseils et parlé de sa vision
du cinéma. Après un moment de temps libre nous nous rendons au lycée pour
assister à la projection du documentaire
Taste of Ciment de Ziad Kalthoum, qui montre la vie d’ouvriers syriens à
Beyrouth, réduits au rang d’esclaves. Ce documentaire est surprenant par sa recherche esthétique, en effet les ouvriers ne parlent
pas, seul un narrateur raconte une histoire à quelques moments. Le réalisateur
s’appuie sur les sons pour contrebalancer cette absence de paroles. Il
crée un contraste entre les bruits très forts du chantier et le calme de la
mer. Ce documentaire est donc extrêmement contemplatif.
C’est après un (très très) bon repas que nous sommes rentrées chez nous.
Samedi 5 octobre
Notre matinée
était libre et à midi une journaliste de L’Union nous a interviewés sur notre
expérience. Nous avons visionné le reste des courts métrages, après un début de
projection chaotique à cause des
retardataires… Nous avons également revu un court métrage de la veille, Silence, car le réalisateur était
présent, et nous avons donc pu échanger avec lui.
Nous avons ensuite délibéré, d’abord en
échangeant nos avis sur les films que nous venions de voir et ensuite sur tous
les court-métrages. Nous n’étions pas tous d’accord et le choix du lauréat
s’est fait par vote. Saïda nous a libérés et nous avons rencontré « Les
jeunes de l’envol », une association qui aide les élèves défavorisés qui
ont de bons résultats. Ils nous ont posé quelques questions sur notre
expérience en tant que jury lycéen et nous sommes ensuite allés voir Peterloo de Mike Leigh. C’est un film
historique sur le massacre de Peterloo qui a eu lieu à la suite d’une
manifestation pacifique en 1819 en Angleterre. A la suite du film nous avons
assisté à une masterclass où le réalisateur a parlé de son travail. La journée
s’est terminée vers 22h30.
Dimanche 6 octobre
C’est déjà le dernier jour, que nous commençons en
mangeant, évidemment ! Nous
retrouvons Saïda et tous les membres du jury pour élaborer notre discours. Nous
décidons de dire chacun une phrase, et d'accorder une mention spéciale au court
métrage The best firework ever
d’Aleksandra Terpinska, que nous n’avons pas choisi de récompenser bien qu'il nous ait beaucoup plu. Nous sommes ensuite allés voir le film Papicha de Mounia Meddour, un film qui
nous a bouleversées. Il raconte le
combat d’une jeune fille algérienne dans les années 90 pour la liberté des
femmes et la réalisation de son rêve qui est de devenir styliste. Nous avons
versé beaucoup de larmes (encore) car
l’histoire, les actrices, les plans étaient sublimes, de plus nous nous sommes
très facilement identifiées aux jeunes filles. Nous avons ensuite eu le temps
de stresser avant notre discours à
la cérémonie de clôture. Nous avons été le premier
des jurys à annoncer le lauréat sur scène. Parler devant la salle de La Comète REMPLIE est quelque peu angoissant, nos jambes avaient la
tremblote ! Mais tout s’est bien passé, nous avons remis le prix à Silence de Mahdi Borjian, qui était
présent ! Il a pu s’exprimer sur la scène et était très touché que nous
l’ayons choisi. Pour clore le festival nous avons vu le film Pour les soldats tombés, réalisé à
partir d’images d’archives colorisées, de Peter Jackson.
Cette semaine a
donc été très éprouvante autant
physiquement que psychologiquement. Nous avons éprouvé de très fortes émotions, peut-être un peu trop pour une semaine, mais
c’est cela qui rend cette expérience aussi géniale.
Nous y avons fait des rencontres très enrichissantes,
tous les films que nous avons vus étaient passionnants
tout en étant très différents les uns des autres. On ne cache pas que le retour
au lycée a été plus que difficile,
cela ne nous aurait pas dérangées de continuer à regarder des films toute la
journée ! Ce festival est une vraie bulle
et nous a projetées dans un univers
artistique complètement différent de notre vie quotidienne, ce qui nous a confortées dans notre envie de
travailler dans l’art.
Tess Lanfranchi et
Margot Romero TL2