QUI EST LA BÊTE ?
© La Belle et la Bête, Jean Cocteau, 1946, SNC
(groupe M6)/Comité Cocteau, crédits photos G.R. Aldo
LYCINÉ du 13
novembre 2014
Rubrique
Cinéma (re)trouvé
En
1945, Jean Cocteau, déjà poète, peintre, dramaturge et romancier, poursuivait
sa carrière de cinéaste après une cure de désintoxication avec La Belle et
la Bête. Pour ce film, Cocteau choisit la star de l’époque, Jean Marais, et
Josette Day, sûrement parce qu’elle a le visage aussi pur que celui d’un
nouveau-né. Cette réécriture cinématographique du conte de Mme de Beaumont,
réalisée au sortir de la Seconde Guerre mondiale, nous emporte dans un monde
féerique en nous ensorcelant à l’aide du mythique « Il était une
fois ». Ce qui est d’autant plus magique, c’est qu’en nous demandant
d’être naïfs comme des enfants, le film parvient à susciter notre réflexion et
à traiter des problèmes de l’époque.
D’abord
Cocteau utilise de nombreux procédés afin de jouer avec la magie. Henri Alekan,
son chef opérateur, éclaire la Belle et le monde réel auquel elle appartient,
mais laisse la Bête et son domaine dans la pénombre. Sous l’influence de
Gustave Doré, les effets spéciaux permettent une illusion inspirée de Georges
Méliès et nous font entrer dans une dimension onirique où les images se
succèdent comme dans un rêve. Cette féerie observée dans le château de la Bête
s’oppose à nouveau au réalisme du monde de la Belle. En effet, quand le père de
Belle se perd dans la forêt, on commence déjà à voir apparaître des phénomènes
inexplicables tels que des jeux d’ombres aberrants. Certains passages offrent
un silence complet où le spectateur s’interroge sur ce qui va se passer. De
plus le maquillage de la Bête fascine toujours autant et n’a pas vieilli.
Ensuite,
le film pose plusieurs problématiques qui entraînent la réflexion chez le
spectateur. En premier lieu, la Bête brûle de désir (dans les deux sens du
terme « brûler ») pour la Belle, mais se retient, contrairement à
Avenant qui serait presque prêt à abuser d’elle. Pourtant, ces deux personnages
sont tous les deux joués par Jean Marais, ce qui crée un lien entre eux.
Cocteau nous invite donc à réagir sur cette question de la sexualité, mais
aussi sur celle de la monstruosité dont l’homme s’est montré capable à
l’époque. La Bête est traitée comme un monstre malgré son respect envers la
Belle, c’est pourquoi Avenant et la Bête échangent leur apparence à la fin du
film.
Ainsi
La Belle et la Bête est un chef d’œuvre merveilleux qui répond à deux
questions : « Qu’est-ce que la véritable beauté ? », mais
surtout « Qui est la Bête ? »
Bella Beth
(alias Marion Pourrier, 2nde 2)
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