En feuilletant les journaux de bord
Dans ses yeux, un
film de Juan José Campanella (2010)
1999, Argentine. Benjamin Esposito, un enquêteur tout juste à la
retraite décide d’écrire un roman d’après une affaire classée dont il a été
acteur, et qui l’obsède depuis près de 25 ans : le viol et le meurtre
extrêmement violent d’une jeune femme. Il retourne alors dans la ville qu’il a
quitté 25 ans plus tôt, à cause de ce douloureux épisode de sa carrière, Buenos
Aires. Mais ce travail d’écriture le ramène à la femme qu’il n’a jamais cessé
d’aimer.
Esposito replonge alors dans la sombre période de l’Argentine de
1974, où l’ambiance était étouffante, et les apparences trompeuses…
Un drame choquant, un
récit policier passionnant !
Dans ses yeux est une histoire
complexe avec plusieurs niveaux de narration. En effet le cinéaste mêle les
fils de l’intrigue et joue avec les souvenirs du temps passé. Comme dans un
film noir classique, l’ambiance est très importante, mais les éléments
politiques, romanesques et oniriques ajoutés renouvellent le genre… pas besoin
de femme fatale ! les personnages et leur évolution sont mis en
avant : l’enquête criminelle, le dysfonctionnement du système judiciaire
argentin et la situation politique du pays restent secondaires. Esposito et son
amour pour Irène, l’amitié qui le lie avec son collègue alcoolique : les
relations humaines sont filmées avec brio, et même sublimées avec une mise en
scène belle et élégante. Les personnages sont magnifiques et intenses.
Certaines scènes vous marquent profondément : bien qu’elles soient les
plus tristes, elles sont les plus recherchées et, paradoxalement, les plus
belles : la découverte du corps pourrait être un tableau, le départ du
train subtilement filmé est émouvant, l’explication des photos retournées
bouleversante.
« Comment
avez-vous pu pardonner ? »
Dans ses yeux est un film sur les choix de
la vie, l’amour, les regrets, mais également sur la justice, l’obsession et la
vengeance.
La
scène finale est un véritable choc. Presque sans dialogue, elle nous pose de
nombreuses questions grâce à la mise en scène, aux angles, aux plans. Gomez, le
mari de la victime, a réalisé sa propre justice : le meurtrier est
derrière les barreaux. Seulement, en l’enfermant dans sa propre maison, il s’enchaîne
à lui : Gomez est lui aussi prisonnier du passé qui le ronge, de ses
souvenirs, de son secret, du silence. Comme l’assassin, il est filmé derrière
les barreaux, mais d’une prison immatérielle et morale.
Dans ses yeux
est riche et
émouvant. Un film à l’impact durable, qui a out d’un très grand film !
Dans ses yeux, un film qui vous en mettra
plein la vue !
Gabrielle Sosson