mercredi 19 février 2014






 


Raging Bull
de Martin Scorsese


         Proposé aux classes de Premières en Arts plastiques option facultative, le film Martin Scorsese Raging Bull (1980) peint le portrait du champion du monde de boxe, poids moyen, de 1949 à 1951: Jake La Motta, sous les traits de Robert de Niro. Bien qu'il traite de la boxe, Raging Bull n'a pas pour but de traiter essentiellement du sport mais bien de l'ascension et du déclin de cette légende de la boxe.
            La Motta, surnommé le Taureau du Bronx, apparaît d'un côté comme un boxeur brutal et redoutable et d'un autre côté comme un misogyne, abject et même violent avec son entourage. Mais Scorsese réussit avec brio à ce que ce personnage soit empathique pour le spectateur qui observe surtout la lente destruction de tout ce qui entoure cet homme pourtant couvert de gloire. Ce « héros» est brillamment interprété par le légendaire Robert de Niro qui mélange subtilement de réelles transformations physiques, la plus frappante étant la prise d'une trentaine de kilos pour le rôle, et de discrets artifices, une prothèse au visage pour mieux ressembler à La Motta.
            Mais en plus de traiter de la chute d'un homme, Raging Bull montre aussi une ville de New-York démystifiée, infestée par la mafia dans le quartier de Little Italy dans lequel a grandi le réalisateur d'origine sicilienne. Ainsi, l'univers de ce film est constamment ponctué de violences physiques et morales, qui surgissent dans de rares instants de paix. Le tout est filmé avec un surprenant dynamisme (surtout dans les scènes sur le ring) pour un audacieux noir et blanc propre aux années 40 et 50 dans lesquelles se déroule l'essentiel de l'action.
            Un film à voir et à revoir, pour en saisir toutes les subtilités.

Patrice Ménard

dimanche 16 février 2014



Tel père, tel fils  un film de Kore Eda.
            Dans le Japon actuel vit un homme. De bonne famille, tout semble lui réussir : une place importante dans une grosse entreprise, une femme aimante et un adorable petit garçon.
            Une terrible nouvelle est pourtant sur le point de bouleverser sa vie. Convoqué par l'hôpital, il apprend subitement que son fils Keita, jusqu'alors sa plus grande fierté, a été échangé à la naissance et donc n'est pas vraiment le sien. Choqué, il s'entame alors un dur travail psychologique dû aux conséquences d'une telle révélation, une importante remise en question se met en place dès lors : est-il possible de continuer à aimer un enfant qui n'est biologiquement pas le sien?
             Ce film est bien plus qu'une simple oeuvre cinématographique, il pose des questions inévitables aux spectateurs qui assistent, impuissants, à ce que nous pouvons appeler un véritable drame familial.
            Dans une société qui méprise ce genre de situation, peut-on faire face à la pression de son entourage qui ne juge que par la reconnaissance et la fierté? La vie de Ryota se brise en mille morceaux en quelques minutes, quelques mots. Quelle est la place du père dans l'éducation d'un enfant? Quel rôle doit-il jouer? Certains trouveront ce père touchant, d'autres le trouveront cruel.
            La lenteur des évènements et l'atmosphère du film nous amène dans une situation oppressante. Ainsi, les liens génétiques seraient plus importants que les liens affectifs. Triste réalité, combat d'un homme complètement perdu qui démontre que l'amour n'est pas comme on le dit toujours : inconditionnel.

A. Haller

samedi 15 février 2014

Tel père, tel fils

Tel père, tel fils (Hirokazu KOREEDA, 2013)





    Le thème des rapports familiaux est un sujet récurrent du cinéma d’Hirokazu Koreeda, comme vu dans Nobody knows ou encore I wish. Cependant, alors que dans ces derniers le point de vue se situe au niveau des enfants, Koreeda montre ici un film centré sur les parents, et particulièrement le père. Nous suivons l’histoire de deux familles que tout oppose. D’une part, une famille très aisée, dirigée par Ryota, père intransigeant sur l’éducation et la réussite de son fils Keita. D’autre part, une famille modeste de trois enfants, qui mise sur les liens entre les membres de la famille. Mais tout vole en éclat le jour où la maternité leur annonce que Keita n’est pas l’enfant biologique du couple fortuné, mais qui plus est, leur véritable enfant biologique Ruy vit dans une famille plus modeste et moins cultivée que la leur. Dès lors, un problème se pose pour Ryota : vaut-il mieux favoriser les liens du sang ou le temps passé avec un enfant ?

La vie est un long fleuve tranquille japonais ?


    L’idée de l’échange à la naissance fait indéniablement penser au film d’Etienne Chatilliez. Néanmoins, le sujet est traité avec beaucoup plus d’analyse et de profondeur que dans le film comique française. En effet, le film aborde le thème sérieusement et qui fait beaucoup réfléchir le spectateur. L’émotion transmise par le réalisateur est touchante, et on n’a aucun mal à s’identifier aux personnages. Les acteurs sont excellents dans leurs rôle, notamment les enfants qui jouent de manière naturelle et attachante. De plus, on est amené dans la première partie du film à découvrir les deux univers, et Koreeda nous immerge complètement en plantant un portrait de chaque famille dans son quotidien.



    Le film en lui-même est vraiment passionnant. La musique s’accorde très bien aux images, et s’adapte aux deux familles. L’opposition est d’ailleurs appuyée par la réalisation et les plans soulignant l’éloignement et la froideur du monde de Keita, enfermé par des couleurs sombres et tristes. Au contraire, dans la famille de Ryu, l’environnement semble briser les règles, et les couleurs sont chaudes et vivantes. Le film, comportant des scènes « lourdes » en émotion, réussit aussi par un bon compromis à faire rire par quelques scènes comiques bien placées.



    Les questionnements abordés dans le film sont profonds et concernent aussi la société japonaise en général. Plus précisément, c’est le système d’éducation traditionnel japonais qui est remis en cause. Il privilégie en effet la réussite absolue de l’enfant, la pression pour y arriver, sans attachements avec sa famille. Or, nous voyons dans la famille de Ryu que si les enfants ne sont pas forcément « bien » éduqués, ils sont probablement plus heureux. Ils ont une relation favorisée avec leurs parents, et surtout leur père, qui joue avec eux et leur donne une véritable enfance. Le film aborde aussi le rôle des parents dans l’éducation d’un enfant : les parents retranscrivent sur leurs enfants les gestes que leur ont appris leurs propres parents. Ainsi, que faire lorsqu’on est père, et que l’on ne nous a pas appris à partager des moments avec son fils ? L’évolution de Ryota dans le film montre tout l’art de Koreeda et son optimisme. On peut aussi y voir une critique de la société japonaise qui porte un jugement sur les parents, si leur enfants ne réussissent pas, et sur la peur de paraître comme des « mauvais »parents. La mère de Keita répète plusieurs fois dans le film le fait qu’elle aurait dû s’apercevoir de l’échange si elle avait été une bonne mère. On voit ainsi la pression à laquelle sont soumis parents et enfants dans la société au Japon.


    Le film est très touchant, subtil et rend compte d’un véritable témoignage de la part de Koreeda sur le fait d’être parents et père, et sur la responsabilité que cela implique sur la vie des enfants. L’émotion n’est pas forcée, et vient d’elle-même, délicatement, grâce à l’évolution du film et des personnages. Très beau film, que l'on pourrait définir par le thème de l’échange, dans sa définition globale. Je vous le conseille vivement, ne serait-ce que pour découvrir le cinéma asiatique rarement distribué en Europe.

Valentine Mercier